Au Mali, Issa Kaou N'Djim a été placé sous mandat de dépôt mercredi 13 novembre. Interpellé dans la matinée à son domicile, il est poursuivi pour « offense commise publiquement envers un chef d'État étranger et injures par le biais de systèmes d'information » et sera jugé le 12 février prochain, selon les informations confirmées à RFI de source judiciaire malienne et par l'entourage d'Issa Kaou N'Djim.
L'arrestation de cette personnalité politique, religieuse et médiatique bien connue des Maliens fait suite à un courrier de plainte envoyé mardi 12 novembre par le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina à la Haute autorité de la communication (HAC) du Mali. L'instance burkinabè y dénonce les propos tenus dimanche, lors d'un débat, sur la chaîne privée malienne Joliba TV News. Issa Kaou N'Djim avait moqué la dernière affaire de coup d'État déjoué au Burkina Faso, orchestrée selon lui par les autorités.
Le Conseil de la communication burkinabè dénonce des propos « gravissimes », « désobligeants et à la limite insultants pour le peuple burkinabè. »
Sur le plateau de Joliba TV, ce n'est pourtant pas à la population, mais au régime militaire burkinabè que s'en prenait Issa Kaou N'Djim, estimant que la nouvelle affaire de coup d'État déjoué n'était pas crédible. Les images de ce que la RTB, la télévision d'État burkinabè, présentait samedi comme un flagrant délit sont qualifiées par Issa Kaou N'Djim de « montage » -au sens de « mise en scène »- « même pas professionnel », visant à « détourner l'attention de l'opinion des vraies questions. »
Ancien soutien
Habitué des plateaux et des déclarations tonitruantes, Issa Kaou N'jim n'est pas un simple chroniqueur télé.
Ancien fervent soutien d'Assimi Goïta, un temps vice-président du Conseil national de transition, il a ensuite rompu avec le régime actuel et a même été emprisonné et condamné il y a trois ans -une peine avec sursis- pour « atteinte au crédit de l'État et injures commises via les réseaux sociaux », après des critiques contre le Premier ministre de transition Choguel Maïga.
Issa Kaou N'Djim est aussi le beau-fils et ancien porte-parole de l'imam Mahmoud Dicko, ex-président du Haut conseil islamique du Mali devenu farouche opposant des militaires au pouvoir, aujourd'hui en exil en Algérie.
Un pédigrée qui, au moins autant que ses propos sur le régime burkinabè, allié de Bamako au sein de l'AES, pourrait ne pas jouer en sa faveur.
Joliba TV convoquée par la HAC
Quant à Joliba TV, son directeur et son directeur de l'information, Mohamed Attaher Halidou, qui animait l'émission en cause, sont convoqués ce jeudi 14 novembre par la HAC, l'instance malienne de régulation, pour une « séance d'écoute. » La rédaction doit-elle craindre une suspension, une fermeture, voire une action en justice ? Un cadre de la chaîne confie avec amertume son pessimisme.
Il y a deux ans, Joliba TV avait été suspendue pendant deux mois après un éditorial consacré, justement, à la restriction de la liberté d'expression au Mali.
Cet éditorial, s'il devait être réécrit aujourd'hui, ne porterait sans doute plus seulement sur le Mali, mais sur les trois pays de l'Alliance des États du Sahel (Mali-Burkina-Niger).
Dans sa lettre de plainte, le Conseil supérieur de la communication burkinabè invoque d'ailleurs les « relations fraternelles de l'AES » pour demander aux autorités maliennes de réagir. Ce qu'elles ont fait sans tarder et sans lésiner. « Les dictateurs sont décidés à se serrer les coudes » commente un observateur averti, résumant sous couvert d'anonymat la pensée de beaucoup d'autres.