Afrique de l'Ouest: Les putschistes gabonais ont modifié la Constitution pour asseoir leur pouvoir - Une pratique qui se répand en Afrique de l'Ouest

analyse

Plus d'un an après un coup d'État militaire, les citoyens gabonais ont participé à un référendum au cours duquel ils ont approuvé un nouveau projet de Constitution. Les révisions constitutionnelles ont ciblé le pouvoir dynastique en introduisant une limitation des mandats présidentiels et en interdisant aux membres de la famille d'un président en exercice de se présenter aux élections.

Un aspect controversé de la nouvelle Constitution est qu'elle autorise le chef des putschistes, le général Brice Oliqui Nguema, à se présenter à l'élection présidentielle du pays prévue pour août 2025.

Des représentants de la société civile et de l'opposition ont exprimé des inquiétudes quant à l'éventualité d'une candidature du général. Ils affirment que cela contredirait les promesses initiales de l'armée d'instaurer un régime civil. Et qu'elle renforcerait le rôle des forces armées dans la politique. Il s'agit d'un pays qui a subi 56 ans - de 1967 à 2023 - de régime autoritaire par la famille Bongo.

Le cas du Gabon ne fait pas exception. Après une baisse notable des coups d'État au cours des deux dernières décennies, par rapport à la période de la guerre froide, une vague de coups d'État militaires s'est produite ces dernières années en Afrique de l'Ouest.

Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que les armées ne sont pas rentrées dans les casernes une fois le coup d'État réalisé. Ce qui diffère des pratiques observées par le passé.

Nous sommes des chercheurs spécialisés sur les questions politiques liées aux coups d'État militaire et régimes autoritaires. Nous avons examiné le nombre de jours pendant lesquels les militaires - en tant qu'institution ou en tant que dirigeants pris individuellement - ont exercé le pouvoir sans interruption après un coup d'État au cours des deux dernières décennies.

Notre analyse des coups d'État en Afrique montre qu'entre 2021 et 2023, aucun des huit coups d'État réussis en Afrique n'a abouti à un retrait des militaires du pouvoir. Mahamat Idriss Déby Itno est resté au pouvoir pendant plus de 1 300 jours au Tchad, avant de légitimer son règne par le biais d'une élection contestée. À part le Tchad, aucun des sept autres coups d'État africains n'a débouché sur une élection. La durée moyenne du maintien au pouvoir des forces armées est de plus de 1 000 jours (et ce chiffre continue d'augmenter). C'est environ 50 fois plus qu'avant 2021.

Cela ne signifie pas que, par le passé, le départ des militaires marquait systématiquement la fin de leur influence ou que les gouvernements post-coup d'État se démocratisaient automatiquement. Toutefois, le comportement des forces armées à la suite de la récente vague de coups d'État en Afrique de l'Ouest s'éloigne radicalement des tendances observées au cours des deux dernières décennies.

La nouvelle Constitution gabonaise est révélatrice d'une tendance croissante dans laquelle les militaires ne ressentent même pas le besoin de faire semblant de quitter la scène politique.

Rester au pouvoir

Les putschistes gabonais ne sont évidemment pas les seuls à être accusés de s'éterniser au pouvoir.

En Guinée, le président par intérim, le général Mamady Doumbouya, a récemment dissous plus de 50 partis politiques afin de « nettoyer l'échiquier politique ». Doumbouya a renversé le président Alpha Condé en septembre 2021. Mais les élections n'ont pas encore eu lieu.

De même, en mai, les putschistes du Burkina Faso ont prolongé leur période de transition de cinq ans, revenant ainsi sur leur engagement de tenir des élections en juillet 2024.

Pour cartographier les tendances des coups d'État et les périodes qui les suivent, nous avons utilisé les données du projet Global Instances of Coups, une collaboration avec le politologue Clayton Thyne visant à documenter toutes les tentatives de coup d'État dans le monde depuis 1950.

Nous nous écartons de ce projet sur deux points importants.

Premièrement, la définition du projet de données concernant les coups d'État réussis exige que les conspirateurs ne se contentent pas de destituer l'exécutif. Ils doivent spécifiquement s'emparer du pouvoir. Cela exclut les cas importants dans lesquels les forces armées évincent les dirigeants politiques, mais se retirent immédiatement de la scène politique. C'était le cas en Guinée-Bissau en 2009.

Deuxièmement, la base de données classe les coups d'État comme réussis lorsqu'un dirigeant est destitué pendant au moins sept jours. Dans le cas contraire, il s'agit d'un coup d'État manqué. Pour notre part, nous avons également examiné les cas où les forces armées ont réussi à destituer un dirigeant, à vaincre la résistance intérieure au coup d'État et à agir en tant qu'autorité de facto pendant au moins un jour, mais où le coup d'État a avorté spécifiquement en raison d'une pression extérieure. Un exemple est le coup d'État de São Tomé et Príncipe en 2003.

Comme le montre notre figure, entre 2002 et 2020, le nombre médian de jours pendant lesquels les putschistes sont restés au pouvoir était de 22 jours, dont seulement quelques heures en 2009 à Madagascar.

Dans 11 des 17 coups d'État survenus entre 2002 et 2020, les forces armées ont remis le pouvoir à un civil dans un délai de 40 jours.

Bien entendu, de tels mouvements n'ont pas toujours été révélateurs de tendances pro-démocratiques.

Par exemple, après le coup d'État de 2017 au Zimbabwe, les forces armées ont rapidement délégué le pouvoir politique à l'ancien vice-président Emmerson Mnangagwa, un allié civil fiable au sein du parti Zanu-PF au pouvoir. Mnangagwa a ensuite consolidé son pouvoir lors des élections de 2018, qui ont été largement condamnées par les observateurs comme n'étant ni libres ni équitables.

Néanmoins, le retrait rapide et net des militaires du pouvoir suggère qu'ils ont au moins reconnu et réagi à la norme s'opposant au régime militaire pur et dur. Cela est vrai, que les auteurs du coup d'État aient réellement espéré une transition démocratique ou qu'ils aient simplement essayé de masquer un acte anticonstitutionnel.

Mais dans le cas des coups d'État plus récents (2021-2023), les militaires ne ressentent même plus le besoin de rechercher la légitimité en désignant un dirigeant civil ou en organisant une élection.

La comparaison entre les suites du coup d'État de 2014 au Burkina Faso et les suites des deux coups d'État de 2022 illustrent la grande différence.

Comparaison des coups d'État au Burkina Faso

Fin 2014, au Burkina Faso, le président de longue date Blaise Compaoré a été renversé à la suite de manifestations de masse. Des élections ont été organisées plus d'un an plus tard, notamment sans candidat issu des forces armées. Une tentative visant à stopper ce processus a avorté sous la pression nationale et internationale après seulement une semaine.

À l'inverse, les deux coups d'État du Burkina Faso en 2022 n'ont pas été suivis de la désignation d'un dirigeant civil ou d'une élection. Dans les trois semaines qui ont suivi le coup d'État de janvier 2022, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damaogo Damiba est devenu président par intérim, promettant des élections en 2024. Damiba lui-même a été renversé huit mois plus tard.

Un an après avoir pris le pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré a déclaré que les élections n'étaient pas une priorité et qu'elles n'auraient pas lieu tant que le pays « ne serait pas sûr pour voter ».

La récente décision de la junte de prolonger le calendrier électoral de cinq années supplémentaires signifie que Traoré restera au pouvoir jusqu'en 2029.

Le problème de l'enracinement de l'armée au pouvoir ne se limite pas au Burkina Faso. Sur les dix coups d'État réussis depuis 2019, un seul a donné lieu à des élections (remportées par des putschistes au Tchad). Ces 10 cas n'ont pas montré les signes d'un désengagement militaire observé avant 2021.

Par exemple, le Soudan (2019) et le Mali (2020) ont vu les juntes suivre la tendance antérieure en nommant des dirigeants civils, dans un délai de 133 jours au Soudan et 39 jours au Mali.

Mais ces deux dirigeants civils intérimaires ont été destitués rapidement lors de coups d'État ultérieurs.

Implications pour le Gabon

Bien que le Gabon soit le plus jeune des régimes putschistes d'Afrique, ses dirigeants semblent plus intéressés que certains de leurs homologues régionaux à dépasser officiellement l'étiquette « intérimaire ». Malheureusement, ces efforts semblent viser à légitimer le coup d'État plutôt qu'à assurer la transition vers une véritable gouvernance civile.

D'ici aux élections de l'année prochaine, les putschistes gabonais auront occupé le pouvoir pendant plus de 700 jours, en supposant que le calendrier actuel reste intact. Une victoire du général Oligui portera évidemment la durée de ce mandat à plus d'une décennie, au minimum, étant donné que la Constitution modifiée prévoit une durée de sept ans.

Si Oligui remporte les élections, la « transition » du Gabon ne devrait pas être interprétée comme un retour réussi à un régime civil. Elle constituerait plutôt un énième exemple de soldats légitimant leur prise de pouvoir par le biais d'un processus électoral.

Jonathan Powell, Visiting assistant professor, University of Kentucky

Salah Ben Hammou, Postdoctoral Research Associate, Rice University

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