Dakar — Des chefs traditionnels, ayant pris part jeudi à Dakar aux travaux d'un forum des médias portant sur la lutte contre les violences faites aux femmes et filles en Afrique, ont dit leur engagement à travailler pour l'élimination, au sein de leurs communautés, de certaines pratiques jugées néfastes pour le bien-être de la gent féminine.
Les chefs en question se disent favorables à « une interprétation progressiste » de certains us et coutumes.
« Notre rôle ne se limite pas à la simple application des coutumes, il s'étend à l'interprétation progressiste de nos traditions pour promouvoir l'égalité et la dignité. Cette approche permet de préserver notre identité culturelle tout en l'adaptant aux exigences de notre époque », a dit le Jaraaf de Bargny, Moussa Ndione.
Il participait, en tant qu'invité, au panel sur « Le changement de normes sociales par les leaders traditionnels », organisé dans le cadre du deuxième Forum des médias sur la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles en Afrique.
Le Jaraaf de Bargny, une commune située à une trentaine de kilomètres de Dakar, dans le département de Rufisque, a soutenu que la position morale des chefs coutumiers leur confère « non seulement des privilèges, mais surtout des responsabilités envers notre communauté ».
« Le changement social profond nécessite un engagement personnel fort et visible des leaders traditionnels », a-t-il dit devant les participants à ce forum de trois jours, des journalistes venus de 23 pays d'Afrique de l'Ouest, du Centre et de Madagascar.
Dans la société sénégalaise, a-t-il relevé, les leaders traditionnels sont les gardiens des valeurs culturelles positives qui prônent le respect, la dignité et la protection de tous les membres de la communauté.
« Notre position nous permet d'influencer les comportements et de promouvoir des changements positifs », a-t-il ajouté.
Selon Moussa Ndione, il ne suffit pas de dénoncer les violences faites aux femmes et aux filles, les leaders traditionnels se doivent d'être dans le même temps « proactifs dans leur prévention et leur élimination ».
Cela implique de « prendre des positions courageuses, parfois à contre-courant des pratiques établies, mais toujours guidées par la recherche du bien-être de notre communauté », a-t-il expliqué.
C'est dans cet esprit qu'il dit prendre « des engagements personnels forts et mesurables pour contribuer à ce changement nécessaire ».
La reine d'Oussouye, Son Altesse Ahan Kalidji Béatrice, intronisée à l'âge de 14 ans en août 2000, a également relevé la nécessité pour les chefs traditionnels d'être à l'écoute de leurs communautés, surtout des femmes et des filles pour leur bien-être.
Se disant consciente que ses actions et prises de position peuvent avoir un impact direct sur les mentalités et les comportements, la reine veut que cette influence soit mise au service de la protection des femmes et des filles, car « leur épanouissement est indissociable du développement harmonieux de notre société ».
Pour la reine d'Oussouye, la médiation traditionnelle, lorsqu'elle est exercée avec sagesse et dans le respect des droits des femmes, constitue « un outil puissant de prévention et de résolution des conflits ».
Elle a signalé qu'à l'occasion de la fête annuelle du roi d'Oussouye, une demi-journée est consacrée à des médiations pour régler des conflits dans la communauté, au sein des familles et dans les couples.
Une occasion pour les femmes, la plupart du temps, de dénoncer les violences verbales, physiques et autres qu'elles subissent sans crainte, a-t-elle avancé.
Les intervenants, considérés comme des gardiens des traditions, ont reconnu « la responsabilité d'être à l'avant-garde de ces évolutions positives ».
Ils ont salué l'initiative d'ONU femmes qui accompagne le forum et aide à « mobiliser les leaders traditionnels dans la lutte contre les violences faites aux femmes ».
Cela « témoigne d'une compréhension profonde du rôle essentiel » que les chefs coutumiers et leaders traditionnels devraient jouer dans la transformation des sociétés, notamment africaines.
Le forum qui prend fin vendredi est organisé dans le cadre des 16 jours d'activisme contre les violences faites aux femmes et filles, une initiative annuelle visant à mettre le focus sur une thématique liée à cette problématique.
« Riposter et se reconstruire après les violences » est le thème retenu cette année, en vue de mettre en oeuvre des actions concrètes en faveur de l'élimination des violences faites aux femmes et aux filles.