Tunisie: Transition verte - Comment éviter les dommages collatéraux ?

5 Décembre 2024

Très peu commun, le concept de la transition juste s'impose aujourd'hui avec acuité dans un contexte où l'urgence climatique pousse les décideurs et les acteurs économiques à repenser leurs modèles et pratiques. La transition verte, bien qu'essentielle, engendre des coûts et des dommages collatéraux subis par certaines catégories sociales. Comment atteindre une transition juste est la question à laquelle il faut répondre pour prévenir les injustices résultant de cette transformation.

À l'heure où l'urgence climatique occupe le devant de la scène médiatique, la question de la transition écologique fait de l'ombre à d'autres problématiques, tout aussi importantes, comme celle de la transition juste. En effet, comme toute crise peut engendrer des opportunités (par exemple, la crise climatique a favorisé le développement de nouvelles filières économiques), chaque transition a son revers et, surtout, son coût social. La transition est ainsi un processus où création et destruction s'opèrent de manière concomitante. Concrètement, on estime que la transition verte pourrait générer plus de 100 millions d'emplois d'ici 2030 dans le monde, mais entraînerait, également, la disparition de plus de 80 millions d'autres. Et le marché de l'emploi n'est qu'un exemple parmi d'autres où les transformations et le passage d'une situation obsolète et désavantageuse à une autre adaptée au contexte actuel auront des conséquences tangibles.

Pour que la transition verte soit la cause de tous !

Pour mieux comprendre ce concept de transition juste et ses enjeux, la fondation Heinrich Böll vient d'organiser un séminaire intitulé «Les piliers de la transition juste et durable en Tunisie », auquel ont participé des experts et des spécialistes, notamment le Dr Heman Agrawal, qui a donné une conférence sur la notion de transition juste, telle qu'elle est perçue dans les pays du Sud.

« Nous avons voulu aborder la question de la transition verte sous un autre angle. Elle figure comme un axe clé dans diverses stratégies sectorielles en Tunisie ainsi que dans les stratégies de développement. La transition est aujourd'hui un enjeu central, notamment dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, des déchets, mais aussi dans les politiques de développement. Notre objectif est d'encourager une réflexion sur une transition qui permette à la fois de s'adapter au nouveau contexte environnemental, tout en répondant aux besoins socioéconomiques du pays », a expliqué Nidhal Attia, coordinateur des politiques environnementales à la fondation Heinrich Böll, dans une déclaration à La Presse. Pour étayer ses propos, l'expert a cité l'exemple de la transition énergétique. En effet, il n'est un secret pour personne que la Tunisie fait aujourd'hui face à un déficit croissant en énergie primaire, dépassant 52 %.

Dans ce contexte, la transition énergétique devient impérative, car elle constitue une solution efficace à ce problème. Toutefois, cette transition peut aussi engendrer des injustices, notamment, pour certains agriculteurs qui en subissent les dommages collatéraux. Par exemple, la mise à disposition de terres agricoles, pour des installations photovoltaïques ou autres peut entraîner une baisse de leurs revenus. De même, dans le secteur de l'eau, le dessalement des eaux de mer pourrait affecter les activités de pêche. Ainsi, Attia souligne que l'enjeu actuel consiste à minimiser ces impacts et à garantir l'acceptabilité de cette transition par l'ensemble de la société, afin qu'elle puisse s'y impliquer.

La transition juste fait partie de l'ADN de la CDC

De son côté, Asma Zaouali, représentante de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), a mis en avant que la caisse, en tant que bras financier de l'Etat, joue le rôle d'investisseur d'impact qui oeuvre à atteindre les objectifs de création d'emplois tout en respectant les exigences environnementales. La transition juste fait, donc, partie de l'ADN de la CDC. La responsable a également, précisé que la Caisse travaille sur la mise en oeuvre des politiques publiques de l'Etat en finançant des projets, publics et privés, jugés prioritaires et permettant à la fois de réduire l'intensité carbone et de créer des emplois. « Parallèlement à l'objectif environnemental, nous avons une responsabilité sociale, d'où cette notion de transition juste.

Elle est déjà intégrée dans les politiques publiques que nous devons appliquer. La CDN, la stratégie de transition écologique, la stratégie énergétique 2035, et d'autres politiques sectorielles consacrent cette approche. En tant qu'institution publique, nous devons nous aligner sur ces orientations. Nous intégrons cette dimension dans nos processus et outils de travail. Nous étudions les projets depuis leur éligibilité jusqu'à leur finalisation, en veillant à ce que ces investissements génèrent un rendement financier tout en ayant un impact social mesurable, avec des indicateurs clairs et précis, et en évitant le greenwashing », a-t-elle ajouté.

Augmenter les financements via le renforcement capacitaire

Mettant l'accent sur l'importance des financements verts pour la réussite de la transition verte, l'expert économique, Mahmoud Dali, a souligné que la Tunisie n'a pas su tirer pleinement partie des fonds verts actuellement disponibles. Selon lui, cette passivité doit être corrigée pour accélérer la mise en oeuvre des projets verts en Tunisie.

« De nombreux mécanismes ont été créés à l'échelle mondiale depuis les années 90. Le Fonds vert pour le climat en est l'un des plus récents. Même si les fonds identifiés n'ont pas été souscrits comme prévu, la Tunisie aurait pu en profiter davantage. Nous pourrons mieux faire si nous renforçons les capacités de nos cadres, tant dans le secteur public que privé (banques et entreprises), en matière de levée de fonds verts et si nous nous alignons sur les pratiques internationales », a-t-il conclu.

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