Un semblant de dialogue avait été décelé dans les récentes déclarations issue de la rencontre des chefs d’Etats de l’AES, qui avaient exprimé la volonté de quitter la CEDEAO, tout en maintenant un principe qui lui était cher à savoir : la libre circulation des personnes et des biens, y compris le droit d’établissement, quoiqu’avec des réserves implicites, et celle de la CEDEAO, qui avait différé de 6 mois sa décision de rupture avec les pays de l’AES, au terme de leur ultimatum fixé en janvier 2025.
Chronologiquement, on ne peut pas écarter le fait qu’il y ait eu un dialogue même si ça a tout l’air d’un dialogue de sourd, car la suite on la connait. Les Pays de l’AES ont très mal pris le prétexte de la médiation du duo Présidentiel Sénégalo-Togolais, pour leur « fixer » un échéancier de retour à la maison. Tel que perçu le « message réponse » de la CEDEAO sonne comme un ultimatum, d’autant que les chefs d’états de l’AES y voient une main de la France qui aurait de velléités de déstabilisation.
On le voit le processus semble être à son point de rupture et cela plusieurs scénarii permettent de l’accréditer.
D’abord ils ont tous mis en place un document de voyage unique à savoir le « Passeport AES » à la suite de la mise en place des organes de l’AES, qui depuis juillet 2024, est une confédération qui aujourd’hui fait face frontalement à la menace Djihadiste. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a conclu entre ses membres un « pacte de défense mutuelle » différent de celui de la CEDEAO.
Ensuite le niveau de résilience interne atteint aujourd’hui par les peuples, que certains qualifient à tort de « populisme » et qui en réalité est le résultat d’une profonde exaspération des populations suite à des sanctions extrêmement lourdes qui avaient été infligées à leur pays, suite aux coups d’état.
Enfin l’isolement, tant redouté pour ces pays vis-à-vis des partenaires bilatéraux et multilatéraux, qui a terme allait asphyxier ces économies durement affectées par les différentes crises (sécuritaires, Covid 19, inondations…), semble s’éloigner, si l’on en juge par la résilience dont ils font preuve aujourd’hui vis-à-vis de leurs voisins. Mieux le regain diplomatique que connaissent ces pays notamment le Burkina Faso, avec l’arrivée de 5 ambassadeurs du royaume de Belgique, du Canada, de la Suisse, du Burundi et des philippines, et la nomination le mois dernier d’un nouvel ambassadeur de l’Union européenne à Bamako, est un signal important envoyé au pays de la Cedeao.
C’est dire donc que la CEDEAO actuelle devra aménager ces 6 mois consacrés au « délai de rétractation » pour se réorganiser et surtout revoir ses différents agendas, dont le plus pressent est la monnaie Unique (ECO) pour laquelle son schéma risque d’être compromis avec le départ de ces trois pays, qui d’ailleurs n’ont pas exclu (ils l’ont même indiqué) la création à terme, d’une monnaie commune dont le nom a déjà fuité « le sahel », et d’une banque d’investissement dont on s’interroge sur les futures relations avec la BCEAO et le futur de l’actuel UEMOA. Certains ne manquent d’ailleurs pas d’afficher leur scepticisme par rapport à cette éventualité. Mais le risque est là, et la CEDEAO doit accélérer sa marche vers cette ultime échéance de Juin 2025.
Tout cela pour dire que les 6 mois retenus devront servir à réajuster les curseurs sur un agenda qui somme toute sera très compliqué pour la CEDEAO, avec le « CEDEAO exit » qui se profile.