A la suite des déclarations d'Emmanuel Macron selon qui des négociations ont eu lieu concernant le retrait annoncé des troupes françaises de plusieurs pays d'Afrique et qui fustige l'« ingratitude » de certains dirigeants du continent qui ne seraient plus à la tête de pays souverains si l'armée française ne s'y était pas déployé, le Premier ministre sénégalais et le chef de la diplomatie tchadienne dénoncent des propos « totalement erronés » pour l'un, une « attitude méprisante » pour l'autre.
Les propos tenus par Emmanuel Macron dans le cadre de la traditionnelle conférence des ambassadeurs organisée lundi 6 et mardi 7 janvier à Paris au sujet de la fin récemment annoncée de plusieurs partenariats militaires avec la France en Afrique ne passent pas inaperçus sur le continent, loin s'en faut.
Dans la soirée de lundi, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko, dont le pays a annoncé ces dernières semaines la fin de toute présence militaire française et étrangère sur son sol en 2025, a ainsi contesté que le retrait annoncé des soldats français du Sénégal aurait donné lieu à des négociations, comme l'affirme le président français. Qualifiant, sur le réseau social X, cette affirmation de « totalement erronée », il y précise qu'« aucune discussion ou négociation n'a eu lieu à ce jour [au sujet du départ annoncé des bases françaises] » et que cette décision prise par le Sénégal « découl[ait] de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain ».
« La France n'a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l'Afrique sa sécurité et sa souveraineté »
Grand pourfendeur de la présence française dans son pays avant son accession au pouvoir l'an dernier, Ousmane Sonko a aussi apporté un contredit cinglant aux déclarations d'Emmanuel Macron à propos d'une « ingratitude » de certains dirigeants africains qui ne seraient plus à la tête de pays souverains sans le déploiement de l'armée française. « La France n'a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l'Afrique sa sécurité et sa souveraineté. Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel », lui a répliqué le chef du gouvernement sénégalais.
Un peu plus tôt dans la journée, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, avait quant à lui déploré les propos du président français dans un communiqué lu à la télévision nationale, rapporte la correspondante de RFI à Ndjamena, Nadia Ben Mahfoudh. « Le gouvernement de la République du Tchad exprime sa vive préoccupation suite aux propos tenus récemment par le président de la République française, Emmanuel Macron, qui reflètent une attitude méprisante à l'égard de l'Afrique et des Africains », y déclare-t-il ainsi avant de demander aux « dirigeants français [d']apprendre à respecter le peuple africain et [à] reconnaître la valeur de ses sacrifices » et de rappeler le « rôle déterminant » joué par l'Afrique et par le Tchad « dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales ». Leurs « sacrifices immenses » ont été « minimisés » sans qu'un « remerciement digne de ce nom n'ai été exprimé » assène Abderaman Koulamallah.
« Que la France respecte les décisions et la politique souveraine du peuple tchadien »
Dans son communiqué, le chef de la diplomatie tchadienne estime également qu'« en 60 ans de présence [au Tchad], [...] la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien » avant de conclure en appelant Emmanuel Macron à se concentrer sur « la résolution des problèmes qui préoccupent le peuple français ».
Sur Tchadinfos, Aziz Mahamat Saleh, le ministre des Infrastructures, également en charge de la communication du Comité de désengagement des forces françaises au Tchad, a quant à lui demandé « à ce que la France respecte les décisions et la politique souveraine du peuple tchadien ». Revenant sur la décision prise par Ndjamena de rompre ses accords de défense avec Paris le 28 novembre dernier, celui-ci a par ailleurs expliqué qu'il s'agissait d'une « décision mûrement réfléchie [...]. [Le président] n'a fait qu'appliquer la volonté souverainiste et chauviniste des Tchadiens », a-t-il déclaré.
Après le départ des avions de chasse français et la « libération » de la base de Faya-Largeau le mois dernier, Aziz Mahamat Saleh a par ailleurs annoncé que les troupes françaises se retireraient de la base militaire d'Abéché le 11 janvier et que leur retrait total et définitif du pays interviendrait bien le 31 janvier, conformément au délai imposé par les autorités tchadiennes.