Afrique Centrale: Tensions Cameroun-Russie - Yaoundé bloque un don de carburant russe à la Centrafrique

22 Janvier 2025

Une tension diplomatique inédite semble se dessiner entre le Cameroun et la Russie, marquant peut-être le premier épisode de friction entre les deux pays depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022 et les sanctions internationales imposées par l'Occident contre Moscou. Au coeur de cette controverse : le blocage par Yaoundé de l'acheminement de 30 000 tonnes de gasoil offertes par la Russie à la République centrafricaine (RCA).

Un don russe bloqué au Cameroun

La Russie a offert ce carburant à la RCA pour aider le pays à faire face à ses problèmes d'approvisionnement en énergie. Cependant, le gouvernement camerounais retient actuellement ce don, suscitant l'incompréhension de Moscou. La RCA, un allié stratégique de la Russie en Afrique, dépend largement de son soutien, notamment en matière de sécurité. En effet, ce sont des forces russes qui assurent la protection du président centrafricain, Faustin Archange Touadéra.

Malgré les multiples interventions des autorités centrafricaines et russes, la situation reste bloquée. Albert Mokpeme Yaloké, porte-parole de la présidence centrafricaine, a déclaré : « Les démarches traînent un peu au niveau du Cameroun. Je pense que cela aura une solution bientôt, parce qu'on évoque le problème de sanctions qui n'ont rien à voir. Ce n'est pas un commerce [...], c'est tout simplement un don de la Fédération de Russie. »

Une diplomatie camerounaise sous pression

Le Cameroun, connu pour sa diplomatie de non-ingérence, se trouve dans une position délicate. D'un côté, Yaoundé doit éviter de froisser la Russie, un partenaire économique et militaire de plus en plus présent en Afrique. De l'autre, il doit ménager les puissances occidentales, notamment la France et les États-Unis, qui voient d'un mauvais oeil l'influence grandissante de Moscou en Afrique centrale, une région stratégique.

Jusqu'à présent, les Occidentaux ont fermé les yeux sur la relation entre le Cameroun et la Russie, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine. Cependant, en bloquant ce don de carburant, le gouvernement camerounais semble vouloir marquer une distance prudente avec Moscou, tout en évitant de s'aliéner ses partenaires traditionnels.

Une année électorale sensible

Cette situation intervient dans un contexte politique tendu au Cameroun, où des élections sont prévues dans les mois à venir. Le président Paul Biya, au pouvoir depuis près de quatre décennies, sait qu'il doit manoeuvrer avec précaution pour ne pas compromettre ses relations internationales. En bloquant le carburant russe, Yaoundé tente peut-être de se positionner comme un acteur neutre dans un contexte géopolitique complexe.

Cependant, la Russie commence à manifester son impatience. Moscou exige que le Cameroun libère rapidement les 30 000 tonnes de carburant destinées à Bangui. Cette demande met Yaoundé sous pression, car un refus prolongé pourrait nuire aux relations entre les deux pays.

Les enjeux régionaux et internationaux

La RCA, en proie à des crises politiques et sécuritaires récurrentes, dépend fortement de l'aide internationale. Le soutien russe, tant militaire qu'économique, est crucial pour le régime de Touadéra. Cependant, l'influence croissante de la Russie en Afrique centrale inquiète les puissances occidentales, qui voient cette région comme un espace stratégique.

Pour le Cameroun, cette affaire est un test de sa capacité à naviguer entre des alliances contradictoires. Yaoundé doit à la fois préserver ses relations avec la Russie, un partenaire de plus en plus important, et éviter de s'aliéner les pays occidentaux, qui restent des acteurs majeurs de l'aide au développement et de la coopération économique.

Le blocage du don de carburant russe par le Cameroun illustre les complexités de la diplomatie africaine dans un contexte international polarisé. Alors que la Russie hausse le ton et que les Occidentaux observent la situation avec attention, Yaoundé doit trouver un équilibre délicat pour préserver ses intérêts. Cette affaire pourrait marquer un tournant dans les relations entre le Cameroun et la Russie, tout en soulignant les défis auxquels font face les pays africains dans un monde de plus en plus multipolaire.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.