Afrique: Candidature à la tête de la BAD - Le Cameroun toujours aphone

Siège de la BAD

A quatre jours du dépôt des candidatures à la Banque Africaine de Développement (BAD), le Cameroun n'a toujours pas désigné son candidat. Les manoeuvres diplomatiques sur le continent vont bon train, mais au Cameroun, les manoeuvres politiques risquent de miner la candidature du pays sur fonds de tensions internes.

Les jeux sont faits, rien ne va plus ! A quatre jours du 31 janvier 2025, date de dépôt des candidatures à la Banque Africaine de Développement (BAD), le président camerounais Paul Biya n'a toujours pas désigné son candidat à la tête de la BAD, poste tant convoité de la prestigieuse institution dirigée depuis le mois de mai 2015 par le nigérian Dr. Akinwumi Adesina.

Entre la gestion de ses relations régionales et la nécessité de promouvoir son candidat, le Cameroun gère les divisions internes qui paralysent sa candidature et, à quatre jours de la date butoir du dépôt des candidatures, les ambitions personnelles semblent prendre le pas sur l'intérêt national et régional.

L'enjeu cependant ne se joue pas sur le continent, mais en dehors, avec les actionnaires non régionaux de l'institution qui pèsent quand même 40% dans le capital de l'institution. Les plus gros sont les USA (6,352%), le Japon (5,279%), l'Allemagne (3,997%), la France, (3,600%) ...

Certains candidats se sont déjà déclarés notamment dans la zone francophone, il s'agit entre autres de Romuald Wadagni, ministre des Finances du Bénin depuis 2016 ; l'actuel président de la BADEA, le mauritanien Sidi Ould Tah, serait en pole position pour la candidature de son pays ; le sénégalais Amadou Hott, ancien ministre de l'Economie sous le président Macky Sall ; le Tchadien Abbas Mahamat Tolli ancien gouverneur de la BEAC, cousin du Président tchadien Mahamat Idriss Déby ; pour la zone anglophone, le zambien Samuel Maimbo, ancien Chef de cabinet de plusieurs présidents de l'institution et a dirigé le département Mobilisation des Ressources de l'Association Internationale de Développement (IDA), où il a supervisé la reconstitution de l'IDA20 ;

C'est le 29 mai 2025, durant l'Assemblée annuelle du Conseil des gouverneurs de la Banque, qui se tiendra du 26 au 30 mai 2025 à Abidjan, en Côte d'Ivoire, que le Conseil des gouverneurs élira le successeur de Dr Akinwumi Adesina qui aura capitalisé dix ans à la tête de l'institution. Celle-ci, il faut bien le souligner, est devenue un pilier du financement en Afrique, portée par un modèle de capital hybride qui combine fonds propres et ressources externes. D'un capital initial de 93 milliards de dollars, celui-ci a été porté à 318 milliards de dollars. Ce modèle a permis des réalisations majeures, comme l'autoroute Abidjan-Lagos et des parcs solaires en Afrique de l'Est. Mais les défis restent nombreux.

En attendant, le Cameroun a-t-il jeté l'éponge en ne présentant pas une candidature pour la présidence de la BAD ? Tout semble pousser à le croire d'autant plus que cela ferait sauter le dilemme cornélien face auquel se trouve le président Paul Biya vis-à-vis de son homologue tchadien.

A moins que...

Enjeux d'un retrait inopérant

Une décision du Cameroun de se retirer de la course à la présidence de la BAD sur fond de tensions politiques internes, serait lourde de conséquences politiques et économiques eu égard aux enjeux régionaux qui entourent cette élection cruciale. Le premier impact serait la perte d'influence de l'Afrique Centrale au sein de la BAD et cela pourrait faire craindre pour les projets de développement en cours et futurs dans la région.

Au plan économique, le taux de croissance de la région est supérieur à celui de la moyenne africaine, estimé à 3,8% en 2022, contre 4,8% en 2021. Il devrait s'établir à 4,9% en 2023 et 4,6% en 2024. Ces résultats ont été publiés par la Banque africaine de développement (BAD), le 31 juillet dernier, lors du lancement du rapport annuel sur les Perspectives économiques en Afrique centrale 2023, sous le thème général : « Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique ». Malgré un taux d'inflation de 6,7% en 2022 contre 3,9% en 2021, l'Afrique centrale a enregistré la meilleure performance par rapport aux autres régions d'Afrique : Afrique du Nord (8,2%), Afrique australe (12,6%), Afrique de l'Ouest (17%) et Afrique de l'Est (28,9%).

De même, la région Afrique centrale affiche la meilleure performance en matière budgétaire, avec notamment le plus faible déficit. La situation des finances publiques de la région s'est améliorée en 2022, même si elle reste déficitaire. Elle laisse apparaître un solde budgétaire global, dons compris, de -0,6% du PIB, en amélioration de 0,4 point de pourcentage par rapport au niveau atteint en 2021. Ce déficit observé malgré l'amélioration des cours des principaux produits exportés par les pays de la région s'explique par l'augmentation des dépenses primaires totales liées aux mesures budgétaires de soutien prises par les gouvernements face à la persistance des effets néfastes de l'invasion de l'Ukraine par la Russie sur les prix de l'énergie et des produits alimentaires.

Globalement, les perspectives économiques de la région Afrique centrale sont favorables pour 2023 et 2024. Ces performances sont les résultantes des réformes structurelles mises en oeuvre pour soutenir les secteurs non extractifs et de l'augmentation de la demande extérieure et des cours des principaux produits exportés par les différents pays de la région. Malgré son poids et ses performances, la BAD n'a jamais eu un président issu de l'Afrique Centrale. Or, un pays comme le Cameroun regorge pourtant d'une élite responsable et compétente, capable de relever les grands défis de l'institution.

Par ailleurs, avec un candidat de moins en lice, la compétition pourrait être modifiée, ouvrant la voie à de nouveaux scénarios et alliances, en plus de susciter des questions sur les luttes de pouvoir internes, les enjeux régionaux et les implications pour l'institution elle-même.

L'élection qui approche voit en tout cas émerger de nombreuses candidatures, poussées par des intérêts et des parcours variés. Celui ou celle qui remplacera le Nigérian Akinwumi Adesina décidera ainsi de projets déterminants pour l'avenir de l'Afrique, avec en ligne de mire, la diversification économique, les enjeux climatiques et l'endiguement de la pauvreté.

Le Cameroun aurait tort de se mettre en marge de relever le challenge.

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