Même les plus âgés et les personnes handicapées ont dû passer par la fenêtre pour se réfugier dans le terminal.
Après près de 48 heures de silence total, les Agaléens ont enfin retrouvé la communication avec le reste du monde, vers 16 heures, hier. L'île, ravagée par Chido, un cyclone d'une violence inédite, dans la nuit de mercredi, est aujourd'hui méconnaissable. «Inn sap dan la mor», confie Wesley Augustin, un habitant qui témoigne de l'horreur vécue par cette communauté isolée.
Les habitants ont tout perdu ou presque. L'accalmie due au passage de l'oeil du cyclone vers 22 heures, mercredi soir, a été salutaire, d'après Wesley Augustin. Cela a permis l'évacuation d'une partie des habitants vers le terminal de la nouvelle piste d'atterrissage.
Mais une fois arrivés, une terrible surprise les attendait : «La porte était fermée. Nous avons dû passer par la fenêtre, y compris les plus âgés et les personnes handicapées et les enfants», raconte-t-il. Hélas, même ce refuge improvisé n'était pas sécurisé. Lorsque les vents violents ont atteint leur paroxysme, la porte du terminal a failli céder. «Kan siklonn pe bate, bizin tini laport a wit dimounn depi onz zer aswar ziska trwa zer dimatin. Inn bizin fer kar», explique Wesley. Parmi les 80 personnes réfugiées, dont le Resident Manager, certains ont passé la nuit sur des matelas trempés, les pieds dans l'eau, priant pour leur survie.
Ce cyclone est considéré par beaucoup dans l'archipel comme le plus violent que l'archipel ait connu depuis Andrie en 1983, il y a 41 ans. Mais cette fois, les dégâts sont beaucoup plus graves. «Toute la population est affaiblie, bouleversée. Notre vie est détruite», témoigne Wesley. Les maisons, les deux écoles primaire et secondaire, tout a été endommagé. Certaines familles n'ont plus de toit (y compris littéralement), comme celle de son beau-frère, qui, au plus fort du cyclone Chido, ont dû se réfugier sous la table de la cuisine, en dur, pour survivre.
Les panneaux solaires installés sur des infrastructures aéroportuaires récemment inaugurées ont été arrachés, le hangar où l'ancien Premier ministre Pravind Jugnauth avait procédé à l'inauguration, en février, est détruit. Le remorqueur utilisé pour transporter des passagers à leur descente du navire le Mauritius Trochetia, jusqu'à la jetée, s'est échoué sur le récif. «S'il n'y avait pas eu d'accalmie pour évacuer un maximum de personnes, nous aurions compté de nombreux morts», se désole Wesley.
Le ressentiment des Agaléens envers les autorités est palpable. «Nous nous sommes sentis abandonnés, livrés à notre triste sort. Les habitants attendaient une mission de reconnaissance ou une autre intervention des autorités le lendemain matin, mais rien n'est venu avant vendredi. Pourtant, selon un responsable des garde-côtes, la piste était praticable dès jeudi», déplore notre interlocuteur. De plus, la population ne digère pas le fait que les services météorologiques n'ont émis aucune alerte pour prévenir de l'imminence du danger. Les seules informations disponibles, dit-elle, provenaient de publications d'Afzal Goodur sur Facebook, avant que la connexion ne soit interrompue. Ce qui a sauvé des vies, selon Wesley Augustin.
En attendant, les Agaléens ont été contraints de survivre par eux-mêmes. L'hôpital n'étant plus opérationnel, tout blessé grave aurait été condamné. L'île du Sud a aussi été touchée : des maisons entières se sont envolées, laissant leurs habitants sans abri. Ce n'est qu'hier matin qu'un Dornier a quitté Plaisance avec à son bord un technicien pour rétablir les communications, ainsi que 450 kilos de cargaison dont médicaments, eau potable et vivres. Ehsan Juman, député de la circonscription no 3, a fait un point sur les démarches entreprises par le gouvernement pour venir en aide aux sinistrés, hier après-midi. Selon lui, au plus tard ce matin, un avion militaire indien devrait s'y rendre «avec tout ce qu'il faut». D'ajouter qu'une équipe des Infrastructures publiques et des soldats de la SMF seront également dépêchés. Par la suite, un bateau devrait aussi faire des rotations régulières pour venir en aide aux habitants et réunir les familles.
Le ministre Shakeel Mohamed, aussi député d'Agaléga, a lui aussi assuré sur sa page Facebook que tout serait fait pour soutenir les sinistrés (Le ministre a abordé la situation plus longuement durant une conférence de presse, en fin d'aprèsmidi, hier, NdlR). Mais pour Wesley et les siens, le traumatisme est profond. «Mo ti laboutik, mo transpor inn kraze net. Nou lavi inn retourn a zero. Ena dimounn zot fey tol dan bwa. Pou mwa bor lamer. Nous savons que le Dornier ne peut transporter qu'une quantité restreinte de nécessités. Mais, nous avons besoin d'aide urgente. 48 heures sont passées depuis que nous sommes dans une telle situation. Sans eau courante, sans vivres, la situation reste critique. C'est un SOS urgent que nous lançons», plaide Wesley Augustin.
Wesley Augustin, dont la passion, est de montrer la beauté de son archipel au monde entier, à travers ses photos et celles de ses autres concitoyens, sur sa page Facebook Beauty of Agalega, est aujourd'hui en larmes. «La quantité de cocotiers, de filaos qu'on avait, ils n'ont pas résisté aux rafales. Momem mo nepli rekonet mo tizil. Nepli sa bote-la. Nepli nou Agalega. Linn vinn kouma enn lil dezer. Leker fermal.»
Ce qu'il reste de l'école primaire dans l'île du Nord.
Toute la cargaison de riz à l'unique boutique de l'île du Nord est abîmée.
Le hangar où Pravind Jugnauth avait procédé à l'inauguration des infrastructures aéroportuaires, en février, est à terre, à côté du terminal.
Le collège Medco a subi d'importants dégâts à un mois de la rentrée scolaire.