Le 12 mars prochain, Patrice Motsepe, seul candidat à sa succession, sera réélu par acclamation pour un deuxième mandat de quatre ans à la tête de la Confédération africaine de football. Pendant quatre ans, il a mis son expertise d'homme d'affaires au service de la CAF pour la redresser financièrement. Mais parallèlement, ces années à la tête du foot africain lui permettent d'épaissir une stature politique qui pourrait le mener sur le devant de la scène politique sud-africaine.

Il a fait une entrée fracassante au coeur du jeu du football africain avec son élection comme président de la CAF, il y a quatre ans. Jusqu'à ce mois de mars 2021, Patrice Motsepe n'était connu que des initiés, en tant que propriétaire du club de football de Pretoria, les Mamelodi Sundowns.

En revanche, il était déjà un personnage incontournable en Afrique du Sud. Premier milliardaire noir au pays de Mandela, le natif de Soweto avait intégré l'univers du foot local en prenant des parts à Mamelodi avant d'en devenir l'unique propriétaire quelques années plus tard. « La première fois que j'ai rencontré Motsepe, c'était quand il a commencé à montrer un intérêt pour les Mamelodi Sundowns en 2001-2002 », se souvient justement le journaliste sud-africain Mark Gleeson de SuperSport.

Grâce à son investissement, l'enfant de Johannesburg permet au club de Pretoria de se mettre au même niveau et de concurrencer véritablement les mastodontes du championnat sud-africain, Orlando Pirates et Kaizer Chiefs.

Une fortune estimée à 2,7 milliards de dollars

Avant de s'offrir la vitrine Sundowns, Patrice Motsepe avait une exposition dans les affaires avec un empire qui prospérait dans le commerce de l'or, du platine, du fer, du cuivre et du charbon. Aujourd'hui, l'avocat de formation occupe la 9e place dans le dernier classement Forbes des milliardaires africains avec une fortune estimée à 2,7 milliards de dollars.

« Patrice Motsepe, le milliardaire philanthrope », c'était d'ailleurs le titre du premier article consacré à l'homme d'affaires sur RFI. Le papier expliquait pourquoi le milliardaire avait décidé de faire « don de la moitié de sa fortune à la fondation caritative qui porte son nom. »

Mamadou Gaye est journaliste originaire de la Côte d'Ivoire. Il vit en Afrique du Sud depuis 1987. Il a été témoin de l'évolution du foot au pays des Bafana Bafana. Il aime ainsi raconter l'histoire du ballon rond au pays de Mandela : la réintégration de l'Afrique du Sud à la CAF, sa participation à la venue du Français Philippe Troussier à Kaizer Chiefs, et bien sûr de la trajectoire de Patrice Motsepe dans le foot sud-africain. « Motsepe a transformé Sundowns qui détient aujourd'hui le record de championnats gagnés en Afrique du Sud, 17 dont sept consécutifs. Il a l'image d'un champion en Afrique du Sud pour sa réussite avec Mamelodi mais aussi dans les affaires. »

Beau-frère de Cyril Ramaphosa

Le patron d'African Rainbow Minerals est également connu pour financer l'African national congress (ANC), le parti au pouvoir en Afrique du Sud. Beau-frère de l'actuel président de la nation arc-en-ciel, Cyril Ramaphosa, époux de sa soeur Tshepo, Patrice Motsepe gravite autour du pouvoir politique en Afrique du Sud où ses éventuelles ambitions ne sont pas (encore) affichées au grand jour.

Car pour beaucoup d'observateurs, Patrice Motsepe, qui n'est pas rémunéré par la CAF, et à qui il a même donné 10 millions de dollars de sa fortune personnelle, a accepté le challenge en partie pour se forger une stature plus internationale en dehors de son pays.

« Depuis le début de son mandat, Motsepe a rencontré individuellement plus de chefs d'État africains que le président de la République sud-africaine lui-même », constate Mamadou Gaye. La liste des présidents, actuels ou anciens, qui ont accordé une audience au président de la CAF est aussi longue que prestigieuse en effet: Paul Biya (Cameroun), Paul Kagamé (Rwanda), Macky Sall (Sénégal), Alassane Ouattara (Côte d'Ivoire), William Ruto (Kenya), Yoweri Museveni (Ouganda), Félix Tshisekedi (RD Congo), etc.

Patrice Motsepe est un président politique; il aime se montrer sous son meilleur jour, avec son éternel costume bleu ciel, couleur qui symbolise l'espoir et l'optimisme en Afrique du Sud. Ceux qui ont l'habitude d'assister aux conférences de presse peuvent voir la figure du politique en Motsepe dans sa façon de communiquer (sourire, blagues, flatteries vers les journalistes), de répondre aux questions qui fâchent et d'user de la langue de bois quand il le faut. « Pour Motsepe, la communication est très importante, confie un ancien employé de la CAF. Comme il représente l'organisation, il faut que l'image par rapport à l'extérieur soit propre, car il y a tellement eu de problèmes autour de la CAF en termes d'intégrité ou de corruption qu'il fallait incarner une réputation irréprochable, parfaite. »

« Motsepe est présidentiable »

Durant son premier mandat, le dirigeant sud-africain a fait du redressement financier de la CAF sa priorité et son profil de chef d'entreprise l'aura bien aidé à réussir sa mission. Son deuxième mandat devrait être celui de la consolidation des acquis économiques et il n'est pas certain qu'il lorgne un troisième et dernier mandat dans quatre ans. Surtout s'il décide de plonger en politique en Afrique du Sud ?

« Ce ne serait pas la première fois, rappelle Mamadou Gaye. Il a déjà été candidat pour un poste de député, mais n'avait pas été élu ».

En tout cas, ce ne serait pas une surprise pour Mark Gleeson de voir Motsepe se lancer avec succès dans le grand bain politique dans son pays natal. « Il a une très bonne image en Afrique du Sud, et compte tenu de ses liens familiaux avec Ramaphosa, et de ses soutiens dans le parti de l'ANC, je pense qu'il pourrait même viser la présidence de la République s'il décidait de s'engager. Après, je ne l'ai jamais vu montrer une grosse ambition pour la politique ».

« Je considère que c'est un homme politique et comme tout homme politique, demain, il peut avoir des ambitions, analyse Gaye. Et comme en Afrique, on a cette baguette magique qui permet aux gens de faire des délégations avec des tam-tams pour aller solliciter quelqu'un et lui dire qu'on a besoin de toi, tout peut arriver. En tout cas, quand tu regardes la personnalité et la stature de Motsepe, on peut dire qu'il est présidentiable. »

Patrice Motsepe finira son deuxième mandat à la tête de la CAF en mars 2029, l'année des élections présidentielles en Afrique du Sud pour la succession de Cyril Ramaphosa. Le timing parfait ?