Afrique: Distinction - Kamel Daoud et Gaël Faye remportent des prix

À la mi-journée du lundi 4 novembre, les jurés du Goncourt se sont réunis au restaurant Drouant à Paris pour annoncer le nom de leur lauréat : le Franco-Algérien Kamel Daoud a remporté la plus prestigieuse récompense littéraire au premier tour avec six voix pour son roman "Décennie noire" algérienne (1992-2002). De son côté, Gaël Faye reçoit le Prix Renaudot pour un roman sur la reconstruction du Rwanda après le génocide.

Les dix jurés, réunis au restaurant Drouant à Paris, ont plébiscité le roman de l'auteur franco-algérien pour sa fiction sur les massacres de la "Décennie noire" algérienne (1992-2002).

Kamel Daoud a été préféré à Gaël Faye (Jacaranda), Sandrine Collette (Madelaine avant l'aube) et Hélène Gaudy (Archipels). Il succède à Jean-Baptiste Andrea, primé en 2023 pour son roman Veiller sur elle. Le prix Renaudot a été attribué à Gaël Faye pour son roman, une autre fiction, sur la reconstruction du Rwanda après le génocide de 1994.

À 12h45, Philippe Claudel du Goncourt est apparu en haut de l'escalier conduisant du rez-de-chaussée au salon Goncourt situé au premier étage pour prendre la parole. « Le 122e prix Goncourt a été accordé, au premier tour, à Kamel Daoud pour Houris chez Gallimard. »

Dans la foulée, Kamel Daoud a publié un message en hommage à ses parents sur X : « C'est votre rêve, payé par vos années de vie. À mon père décédé. À ma mère encore vivante, mais qui ne se souvient plus de rien. Aucun mot n'existe pour dire le vrai merci».

%

En ayant choisi de sacrer Kamel Daoud, le jury a d'abord fait un acte de courage politique. Rappelons-les faits : l'Algérie a décidé d'interdire le Salon international du livre d'Alger aux éditions Gallimard en raison du roman de l'auteur. Dans Houris , Aube, une survivante de la décennie noire (1991-2002) en Algérie, enceinte et mutilée, raconte à la petite fille qu'elle attend le tragique récit de ces années de sang. Ardent défenseur de la liberté d'expression, Atiq Rahimi avait alors écrit une lettre ouverte, apportant son soutien à l'auteur. Or, en lui décernant le Goncourt, le jury a affirmé de la même façon, et sans faille, la liberté totale de l'écrivain. Un écrivain qui a l'habitude de déranger.

Chroniqueur et journaliste, Kamel Daoud est né en 1970 à Mostaganem, en Algérie. Personnage « balzacien », selon ses mots, il est à 20 ans, dans les années 1990, un villageois qui finit ses études et arrive en ville. Très tôt, il décide de se lancer dans le journalisme, intègre le Quotidien d'Oran et enquête sur les massacres commis dans son pays. Malgré les insomnies, l'innommable qui s'imprime sur la rétine, Kamel Daoud écrit, rédige, témoigne.

« Le journalisme est essentiel, mais il ne suffira jamais à raconter une guerre. Je dis souvent qu'une blessure, ça se mesure par le journalisme, et que ça se raconte par la littérature », a-t-il confié à la presse. À l'aube des années 2000, il commence à publier et à se faire remarquer en tant qu'auteur. Relevons: Minotaure 504 (2011), sélectionné pour le prix Goncourt de la nouvelle et notamment son roman Meursault, contre-enquête (Gallimard, 2014). Cette publication lui valut d'être visé par une fatwa alors qu'il était finaliste du Goncourt - il rata de peu le prix et remporta finalement le Goncourt du premier roman.

Le choix était donc loin d'être facile face à un Gaël Faye, éminemment sympathique et populaire (il a déjà vendu plus de 173 000 exemplaires de Jacaranda). En outre, il a fallu départager deux livres portant sur des massacres (Houris on l'a dit, évoque la guerre civile des années 1990 en Algérie, Jacaranda, l'après génocide rwandais) ou du moins ses rescapés. Avec Daoud, les jurés ont sans doute été touchés par cette langue incantatoire, ces mots à feu et à sang.

Gallimard sauve sa rentrée littéraire

Enfin, et ce n'est pas rien, en sacrant Kamel Daoud, le Goncourt a sacré Gallimard. Et on peut le dire, la maison a eu chaud. D'abord, parce que contrairement aux années précédentes où elle avait pu se consoler avec le Grand prix de l'Académie française (Giuliano da Empoli en 2022 et Dominique Barbéris en 2023), elle n'avait jusque-là obtenu aucun prix de la rentrée littéraire. Ensuite, parce que durant deux années consécutives, elle a été battue en finale : en 2022, Giuliano da Empoli s'inclinait devant Brigitte Giraud (Vivre vite, Flammarion), et en 2023, c'était au tour d'Éric Reinhardt de s'avouer vaincu face à Jean-Baptiste Andrea (Veiller sur elle, L'Iconoclaste).

Cela étant dit, Gallimard avait tout de même de très grandes chances de remporter le prix. Alors qu'elle comptait déjà quatre auteurs du Goncourt, publiés au sein dans sa maison, elle accueillait en avril dernier une nouvelle jurée avec Françoise Chandernagor. Pour rappel, le jury compte dix membres. En outre, contrairement à Grasset qui n'a pas remporté le Goncourt depuis 2005, Gallimard, elle l'a obtenu il y a à peine quatre ans. Et qui plus est avec Hervé Le Tellier, qui est devenu le deuxième Goncourt le plus vendu de l'histoire.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.