Félix Tshisekedi sera-t-il bien obligé de franchir cette ligne rouge qu'il s'était fixée lui-même, c'est-à-dire discuter franchement et directement avec l'AFC/M23 ? C'est en principe le mardi 18 mars 2025 que devraient débuter les pourparlers entre Kinshasa et l'Alliance qui a engagé une nouvelle rébellion à l'est du pays.
En principe seulement, car si le médiateur João Lourenço se démène comme un beau diable pour que ces négociations puissent se tenir, quelques obstacles subsistent sur le chemin qui y mène. En effet, on voit mal comment les discussions pourraient s'engager dans la capitale angolaise pendant que, dans le Nord et le Sud-Kivu, la canonnière continue de tonner.
Le président angolais, par ailleurs président en exercice de l'Union africaine, a donc « exhorté » les belligérants à observer une trêve à partir du 16 mars, depuis hier donc. «Ce cessez-le-feu devrait inclure toutes les actions hostiles éventuelles contre la population civile ainsi que la conquête de nouvelles positions dans la zone de conflit, avec la perspective que ces initiatives et d'autres conduisent à un climat de détente qui favorise le début des pourparlers de paix» », souligne une note rendue publique le samedi 15 mars par la presse présidentielle angolaise.
Un cessez-le-feu que les deux parties prétendent d'ailleurs observer déjà. Le M23 indique ainsi le respecter depuis mars 2024. Oui vous avez bien lu, depuis mars 2024, c'est-à-dire depuis un an, ajoutant que ses combattants ne font que se défendre lorsqu'ils sont attaqués. C'est à croire que la prise de Goma et, plus tard, de Bukavu date d'il y a un an. Une mauvaise foi manifeste donc, à moins qu'on n'utilise pas le même calendrier grégorien.
De son côté, le gouvernement congolais affirme qu'il doit protéger la population en cas d'agression. Drôle de cessez-le-feu dont les conditions devraient être établies aujourd'hui même à Harare, au Zimbabwe, au cours d'une rencontre interministérielle de la SADC et de l'AEC. A cette question de cessez-le-feu, s'ajoute la composition des délégations, qui devrait être discutée pied à pied, pour éviter que les deux parties envoient de seconds couteaux dont les voix ne portent pas. Sans oublier les conditions de sécurité pendant le séjour des participants.
On le voit bien pour les négociations directes entre Kinshasa et le M23, il y a donc un long chemin qui mène à Luanda. Mais comme on le sait, les pas qui mènent à la paix sont difficiles ; pis encore, les premiers pas. Et si après toutes ces péripéties le dialogue se menait, ce serait pour le président congolais une meurtrissure politique, lui qui avait juré de ne jamais s'asseoir à la même table que les rebelles car, ce faisant, ce serait une reconnaissance de fait pour ceux qu'il a toujours considérés comme des terroristes à la solde de Kigali. Et tant qu'à faire, Fatshi préfère avoir directement affaire au bon dieu du Rwanda qu'à ses saints, que disons-nous, à ses diablotins du M23 !
Mais pouvait-il continuer de dire non aux pourparlers quand tout le monde l'y exhorte, non seulement la communauté africaine et internationale, mais aussi les leaders religieux du Congo ainsi que ses opposants politiques à l'image de Martin Fayulu, de Moïse Katumbi et d'Augustin Matata Ponyo qui ont salué l'initiative du président angolais et qui conjurent Tshisekedi de donner une chance à la paix ? Sans oublier que la réalité du terrain ne plaide pas en sa faveur.